Voyage en Pologne

La voix de Simone Veil (13 juillet 1927- 30 juin 2017)

Par JUSTINE BARBOT, publié le jeudi 30 janvier 2020 14:21 - Mis à jour le mercredi 5 février 2020 16:09
Pièce d'identité Simone Veil.jpg
Durant notre voyage en Pologne, les mots de Simone Veil eurent pour nous une résonance toute particulière. Nous marchions sur ses pas, à travers son histoire...

 

"Notre débarquement sur la rampe d'Auschwitz, avec ces projecteurs, cette lumière brutale, ces cris, ces chiens, ces tenues rayées, tout cela relevait de la mise en scène. Il s'agissait de nous désorienter, de nous terroriser. Il fallait éteindre toute intention de révolte, toute tentation d'indiscipline. De fait, nous étions pétrifiées. C'était la nuit. Nous nous sommes aussitôt intégrées dans cette organisation rigoureuse, nous avons accepté de nous mettre en rang, hommes d'un côté et femmes de l'autre, nous avons accepté de voir les autres partir en camion sans imaginer que nous n'allions jamais les retrouver. [...]

 

Y avait-il une logique derrière tout cela?

Selon certains historiens, la priorité pour Hitler - c'est l'une des spécificités de la Shoah - n'était pas la fin de la guerre, ni même la victoire, mais l'extermination des Juifs.  [...]

Notre état de stupeur a duré une bonne journée. Entre la douche, le sauna et les vêtements en loques, nous n'avions que des questions sans réponses. Puis, avec effroi, nous avons découvert les blocks. C'étaient de longues baraques en briques, avec un sol en béton et un vague poêle au milieu. Il y avait des rangées de châlits qu'on appelle les coyas - sans doute un mot polonais -, sortes de cages sans grillage, garnies d'une paillasse. Nous y étions entassées à cinq ou six par planche, parfois tête-bêche en raison du manque de place. Nous couchions soit au ras du sol, soit au milieu, soit en hauteur. Les planches du haut, plus spacieuses, étaient les plus recherchées. Il y avait deux ou trois couvertures pour tout le monde. Ma mère, ma soeur et moi sommes restées ensemble. Nous nous sommes posées quelque part, au hasard. Nous n'avions bien sûr pas choisi notre block.

Dans la journée, nous n'y étions presque jamais. Après l'interminable appel du soir, nous n'avions qu'une idée: essayer de dormir. Dès quatre ou cinq heures du matin, c'était le réveil, puis un nouvel appel interminable avant de repartir au travail."

Récit recueilli par David Teboul, Simone Veil: L'aube à Birkenau, Editions Les Arènes, Paris, 2019, pp. 78-79.